La prise en charge des cheveux crépus

A quand la fin des discriminations chez le coiffeur ?

En France, la politique officielle ne reconnaît pas les statistiques ethniques pour des raisons historiques et juridiques. Il est donc interdit de collecter des données sur l’origine ethnique ou la race dans les enquêtes publiques, les recensements ou d’autres documents administratifs, sauf exceptions limitées pour des objectifs spécifiques comme la lutte contre la discrimination. Par conséquent, les données sur la texture des cheveux et d’autres caractéristiques physiques ne sont généralement pas disponibles dans les bases de données officielles.

Malgré ce vide dans les données officielles, certaines estimations avancent que près de 20% de la population française aurait des cheveux crépus, soit environ 13,5 millions d’individus ! Pourtant, le secteur de la coiffure semble éprouver des difficultés à gérer les cheveux texturés. Cela crée des situations où celles et ceux qui ont des boucles serrées ne se retrouvent pas toujours bien pris·es en charge, voire pas pris·es en charge du tout.

Le manque de formation

Ce manque de compétence ne résulte pas nécessairement d’une discrimination intentionnelle, mais plutôt du fait d’un manque de formation des coiffeur·euse·s.

Jusqu’à récemment, en France, aucun diplôme reconnu par l’État ne se concentrait spécifiquement sur la prise en charge des cheveux crépus. Les programmes de formation, comme celui du CAP, ne consacraient qu’une infime partie à la diversité des textures capillaires (une seule page dans le manuel et dédiée au lissage !) , contribuant ainsi à renforcer des stéréotypes de beauté privilégiant les cheveux lisses. Cela complique l’accès aux services capillaires pour celles et ceux qui ont des boucles serrées et renforce leur sentiment de non-appartenance dans les salons de coiffure traditionnels. Souvent, les femmes aux cheveux crépus se tournent vers des perruques lisses ou des tresses pour se conformer aux normes de beauté établies.

Le manque de connaissance

Cette méconnaissance est souvent ignorée par les personnes ayant des cheveux lisses. Elles ne sont pas toujours conscientes de cette discrimination et peuvent même ne pas remarquer que dans leur salon habituel, la diversité ethnique fait défaut. Pour elles, les salons spécialisés, comme ceux du quartier de Château-Rouge à Paris, semblent être une solution. Cependant, cela soulève une question évidente de ségrégation : si l’on vous disait qu’il existe des commerces destinés spécifiquement à des groupes raciaux, cela ne vous choquerait-il pas ?

Pourtant, c’est la réalité dans nos rues. Outre cette problématique de ségrégation, la qualité des salons dits « afros » peut également être remise en question. Ils ne sont pas toujours enregistrés comme des salons de coiffure, ne respectent pas toujours les normes de sécurité et d’hygiène et utilisent parfois des produits et équipements non conformes voire dangereux. En plus de ces manquements, certains de ces établissements ne prennent pas vraiment en charge les cheveux crépus : pas de shampoing, pas de coupe, pas de soin, ni de mise en valeur des cheveux naturels. On pourra simplement s’y faire tresser ou poser une perruque. De plus, certains salons peuvent employer des personnes en situation irrégulière, les soumettant à des conditions de travail difficiles.

Le changement législatif

Aux États-Unis, le Crown Act représente une mesure sérieuse visant à interdire la discrimination capillaire, reconnaissant enfin que les coiffures naturelles font partie intégrante de l’identité individuelle.

En France, des changements se profilent heureusement :

Olivier Serva, député français, soutenu par des figures influentes comme Aude LIVOREIL-DJAMPOU ou Ghana ELIN, plaide pour que la discrimination capillaire soit reconnue comme une forme de discrimination raciale. L’objectif est de protéger les personnes aux cheveux crépus contre les discriminations dans les écoles, au travail et dans la société en général.

Grâce aux actions d’Aude LIVOREIL-DJAMPOU, un nouveau diplôme est lancé en septembre 2023 et est spécifiquement dédié à la formation des coiffeur·euse·s pour la prise en charge des textures bouclées, frisées et crépues.

Ces actions ont contribué à élever le débat public sur ces questions et à plaider en faveur de politiques et de changements sociaux visant à garantir l’égalité et le respect de la diversité capillaire en France.

Tout ça montre qu’il y a une vraie prise de conscience sur l’importance de bien traiter toutes les textures capillaires. Ça bouge dans le bon sens, mais il reste encore du chemin à faire pour que tout le monde puisse se sentir bien dans les salons de coiffure, peu importe la texture de ses cheveux !

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